Portrait de chercheur - Gilbert Gugler
Gilbert Gugler se sent chez lui sur le site du MIC. Il a passé 15 ans de sa carrière chez Ilford Imaging Switzerland, avant la faillite de l’entreprise. Formé à l’École polytechnique fédérale de Zürich en sciences des matériaux, il se concentre sur les surfaces depuis le début de sa carrière. Il a été l’un des premiers à utiliser le microscope à force atomique pour les étudier.
Sa carrière l’a d’abord mené dans une entreprise qui produisait des revêtements durs et des lubrifiants solides pour les satellites. «L’un de mes projets a consisté, explique-t-il, à concevoir un rail recouvert d'une couche de lubrifiant solide pour corriger l'optique du télescope Hubble.» Il est ensuite engagé par Ilford, en 1998, comme responsable de la technologie de production. «J’ai développé mon expertise dans le domaine du revêtement, surtout avec les multicouches. J’ai eu la mission de mettre en production le premier produit nanoporeux (photo instant dry) de Ilford. Dans cet immense projet, j’ai acquis une expertise mondialement reconnue du multilayer curtain coating.» Aujourd’hui encore, il est un consultant apprécié des entreprises dans ce domaine.
Il n’a jamais cessé de se spécialiser dans l’impression jet d’encre et dans l’impression sur les surfaces complexes. Après la faillite d’Ilford, il a travaillé quatre ans chez Polytype avant d’être engagé à l’iPrint Center, en 2016. Au début de ses activités, il a organisé le déménagement de l’Institut de blueFACTORY au MIC. Grâce à ses compétences dans l’industrie, il a aussi mis en place de nombreux éléments dans le domaine de la sécurité, du management et de l'accueil.
Au moment de reprendre la direction du centre, il a été décidé de créer une direction à trois avec Gioele Balestra et Yoshinori Domae. Le premier nommé est un spécialiste des fluides, le deuxième est un expert en tête d’impression, quant à Gilbert Gugler, il se définit comme un «spécialiste de l’interaction entre la gouttelette éjectée et le substrat». «Nous étions convaincus qu’il fallait mettre en place ce triumvirat pour couvrir tous les besoins que nous avons ici.» Les directeurs sont entourés d'une équipe de quelques 35 personnes aux formations très diverses – microfluidique, matériaux électroniques, matériaux physiques, informatique – qui travaillent dans un esprit complètement multidisciplinaire.
Des possibilités infinies
«Le défi principal consiste à pousser la technologie inkjet pour qu’on puisse utiliser le plus grand choix possible de fluides déjà appliqués dans l'industrie avec des technologies digitales.» Pour atteindre cet objectif, le centre de compétences effectue de nombreuses recherches sur les technologies de base de la tête d’impression. «Dans les deux à trois prochaines années, nous voulons développer nos compétences de contrôle de la tête d'impression afin d'utiliser toute sa capacité. Aujourd'hui, beaucoup de liquides de l’industrie ne sont pas applicables avec l’inkjet ce qui empêche les entreprises d’utiliser l’impression digitale dans leur production. L’amélioration du contrôle des têtes d’impression est donc un passage obligé pour ouvrir les champs d’application.»
Elle est au cœur du projet Innosuisse ISS – Inkjet Straigthness Sensing et au projet de recherche SIP4.0 (Smart Inkjet Printhead). Dans les machines d’impression, l’analyse des têtes (sensing) durant l’impression permet de détecter des problèmes de performance des buses individuelles. Le projet de recherche veut utiliser la réponse électronique des têtes d’impression pour détecter également la rectitude du jet, qui reste un problème important pour la qualité de cette technologie, limitant son déploiement industriel. L’objectif est donc de contribuer à la stabilité et à la précision des processus d'impression à l'avenir.
L’iPrint Center ne produit pas de tête lui-même mais collabore avec les principaux acteurs du secteur. «Nous sommes tellement connus pour la qualité de notre travail que les fournisseurs nous amènent les têtes avant qu'elles ne soient sur le marché, pour que nous commencions à les tester.» Un partenariat va bientôt démarrer avec l’un des plus grands fournisseurs mondiaux de tête d’impression, qui s’installera avec deux chercheurs et un vendeur au sein de l’iPrint Center. D’autres partenaires veulent collaborer étroitement avec le centre de compétences pour bénéficier de ses connaissances et pour développer leurs solutions.
«Le revêtement des surfaces est un immense champ dans l’industrie. Actuellement 95% des liquides utilisés pour ces revêtements ne peuvent pas être appliqués avec la technologie de l’impression jet d’encre, en raison de leur viscosité. Nous sommes convaincus que dans les années à venir, nous parviendrons à utiliser ces technologies sans devoir modifier le fluide. Le problème aujourd’hui, c’est que nous devons le modifier pour l’utiliser dans l’inkjet et qu’en le reformulant, nous nous heurtons à des problèmes, par exemple à un manque de stabilité.»
L’utilisation de l’impression digitale est un enjeu à plusieurs niveaux pour l’industrie. Cette dernière doit souvent produire des petites séries, qui seraient beaucoup moins coûteuses avec les technologies digitales. Les techniques actuelles de sprayage produisent en outre beaucoup trop d’émissions. «Lorsque ces entreprises font du revêtement, par exemple dans l’automobile, 80% des produits injectés partent dans l’air, ce qui n’est plus acceptable aujourd’hui. Avec l’inkjet, on gagne une énorme efficacité en utilisant uniquement la quantité nécessaire.»
Depuis le mois d’août, l’iPrint Center s’est aussi lancé dans un nouveau grand projet de recherche Innosuisse: combiner le robot avec d’impression jet d’encre capable d’imprimer directement sur de grands objets. Le projet est prévu sur deux ans. «Jusqu’à présent, beaucoup d’équipes ont essayé de faire travailler un tel robot, mais sans succès. Nous sommes confiants d’y arriver avec les systèmes que nous avons mis en place dans notre centre de compétences.»
Là encore le potentiel est immense: «Dans de nombreux domaines, comme les décorations de moto ou des carrosseries, on travaille encore à la main. Nous espérons pouvoir apporter des solutions pour ce type de décoration, même personnalisées. Les technologies mises en œuvre pourraient aussi nous permettre d’imprimer des panneaux solaires.»