Un entrepreneur de la formation
SeSi

Durant sa carrière, Raymond Riess a développé des projets de formation pour plusieurs entreprises et institutions. C’est l’un des fils rouges de son parcours. 

A la fin de ses études en fabrication mécanique, à l'Ecole nationale d'ingénieurs de Belfort, jeune marié, Raymond Riess passe trois ans au Cameroun pour créer un petit lycée au cœur de la brousse. «Nous avons été déformatés en découvrant l’universalité du monde. Nous n’étions plus pareils», explique-t-il.

Dès lors, il n’a jamais cessé de mettre sur pied des projets novateurs. Après 15 ans dans l’industrie, où il n’exercera jamais le métier pour lequel il a été formé, il décide de changer de voie: «J’ai beaucoup appris, mais j’ai compris que je ne voulais pas finir ma vie dans l’industrie.»

Il est alors appelé à créer une filière de formation d’ingénieur en lean manufacturing à Amiens. Une première en France. Comme souvent par la suite, il se plonge dans sa nouvelle matière pour acquérir les connaissances nécessaires. C’est lors d’un séminaire à Paris, qu’il fait la rencontre de Pierre Repetti, qui sera déterminante pour son arrivée, plus tard, à Fribourg.

«J’étais assis à côté de lui et il m’a glissé: «Vous ne pensez pas qu’on se fout de notre gueule?» Nous sommes allés boire un café et je me suis rendu compte qu’il avait monté, à Lausanne, dix ans avant moi, le même projet que je développai à Amiens. C’était un pro de la CAO. Nous sommes devenus amis en une demi-heure. Trois semaines plus tard, il est venu me voir à Amiens et nous avons développé une très belle collaboration.»

Né à Colmar, en Alsace, Raymond Riess connaît déjà bien notre pays et a travaillé pour des entreprises suisses. Dès sa rencontre avec Pierre Repetti, il vient chaque année à Lausanne avec ses étudiants. Il fait la connaissance de Bernard Keller, directeur de l’Ecole d’ingénieurs de Lausanne, qui l’invite, en 2001, à participer à l’audit qui conduira à la création de la HES-SO: «J’ai audité les sept filières de génie mécanique en Suisse romande». Il découvre ce coin de pays, le contexte académique romand et la syrah du Valais. Il rencontre Jacques Bersier et Pascal Bovet. «Un jour, Pascal Bovet m’a annoncé qu’un poste était au concours, correspondant à mon profil. Après quelque temps de réflexion, j’ai décidé de venir en Suisse.» Il arrive en 2006.

L’adaptation ne se fait pas sans mal, il ne s’en cache pas. Mais après quelques années, lorsqu’il intègre la commission de Master pour développer des modules contextuels, il se retrouve dans son élément, en construisant deux modules – QRM Quality Risk Management & IMS Integrated Manufacturions System –, qu’il enseignera à Lausanne.

Durant un congé scientifique, il passe aussi six mois chez Richemont, où l’un de ses anciens étudiants d’Amiens occupe un poste important. «J’ai pu contribuer à la création d’une usine-école pour former les collaborateurs de Richemont aux méthodes du lean. C’était une formidable expérience qui m’a permis de développer de très bons contacts. En revenant à Fribourg, j’ai pu faire bénéficier l’école de ce réseau». C’est également Richemont qui l’incite à démarrer la certification de lean managers. Ce qu’il fera pour une demi-douzaine de volées.

La fin de sa carrière est marquée par le 4.0. «Je voyais bien que quelque chose se passait autour de l’industrie 4.0. J’ai été soutenu par la direction pour visiter des entreprises en avance dans ce domaine, en particulier en Allemagne. Le lean a permis de faire évoluer les entreprises, en créant des organisations apprenantes favorisant l’autonomie des collaborateurs. J’ai eu l’intuition d’utiliser les mêmes méthodes pour le 4.0: nos nouveaux moudas sont les défauts de connectivité.»

Avec Richard Pasquier et Nicolas Rouvé – «les trois mousquetaires», rit-il – «nous avons monté un concept pour certifier des connect managers qui pourront travailler en étroite collaboration avec les lean managers. Ces derniers continueront à consolider la maturité opérationnelle. Les connect managers s’occuperont, pour leur part, de la maturité organisationnelle et de la relation clients.»

Raymond Riess a proposé ce projet à Chantal Robin, la directrice de la Chambre de commerce et d’industrie Fribourg (CCIF). «Elle a très vite compris l’intérêt de certifier des connect managers pour favoriser le passage à la digitalisation de l’économie fribourgeoise.» Une première promotion a ainsi vu le jour et un projet a été déposé pour lancer une deuxième volée, afin de peaufiner le projet. «Notre but est de créer des écosystèmes de co-entrepreunariat.» A moyen terme, la CCIF mettra en usage une plateforme d’audits, d’expertises et de mutualisation d’outils, pour créer la «confrérie» des digital managers.

Au terme de sa carrière, Raymond Riess a donc décidé de se déformater une dernière fois: «Le monde 3.0 est né quand je suis sorti de l’école d’ingénieurs. En quatre décennies, on a inventé l’assurance-qualité, le triptyque coût-qualité-délai, la gestion par les processus, par les ISO-9000, les EFQM… On a fait d’énormes progrès, mais on arrive au bout du système. L’entreprise s’est rigidifiée et, parfois, déshumanisée. Les certifications et les audits ont commencé à scléroser les organisations. La vision à court terme domine tout, les secteurs Ra&D des entreprises sont affaiblis. Avec le 4.0, l’industrie doit redévelopper des visions et des outils de long terme – 5 à 6 ans – pour préparer des plans de transformation globaux. Ce sera le job du connect manager

Ce thème le passionne tellement, qu’il a demandé… de pouvoir travailler une année de plus. «J’ai 66 ans le 31 décembre 2020 et je vais prolonger jusqu’au 31 décembre 2021 pour finaliser mes projets liés au 4.0.»

Répertoire des compétences HES-SO

9 juin 2020