Portrait de chercheuse - Roseline Nussbaumer
Roseline Nussbaumer, professeure et chercheuse à la HEIA-FR, illustre avec beaucoup de clarté ce champ d’application innovant de la technologie d’impression jet d’encre.
Passionnée par les sciences naturelles au sens large, Roseline Nussbaumer a fait des études de mathématiques et physique à l’Université de Fribourg avec un travail de doctorat pluridisciplinaire qui lui a permis de réaliser, en collaboration avec l’Institut de médecine, une modélisation mathématique de la contraction des muscles squelettiques. Dès 2007, elle enseigne les mathématiques aux futur-e-s ingénieur-e-s: «Ici, à la HEIA-FR, les mathématiques que nous enseignons sont appliquées par les étudiant-e-s dans leurs branches techniques», explique-t-elle avec enthousiasme.
Sa formation la conduira à intégrer, en 2013, l’équipe du nouvel institut iPrint, expert en technologie jet d’encre et actif dans le domaine de l'impression numérique. «Ce qui me passionne ici, ce sont les applications des technologies d’impression 3D en sciences de la vie, ce qui rejoint mon travail précédent dans les domaines de la physiologie et des neurosciences».
Dans ses projets de recherche, Roseline Nussbaumer travaille au développement par impression 3D d’une nouvelle génération d’implants biorésorbables dans le domaine cardiaque. Actuellement, son activité se concentre sur le domaine du bioprinting, «l’utilisation de technologies d’impression 3D pour déposer couche par couche des biomatériaux et des cellules vivantes dans le but d’imprimer des tissus vivants».
L’objectif est de créer – sur le court terme – de petits modèles 3D de tissus humains in vitro, plus proches de la réalité que les modèles 2D utilisés jusqu’à présent. Ces modèles permettront d’effectuer des tests toxicologiques et de développer des médicaments sans avoir recours aux tests sur des animaux, avec des avantages éthiques évidents et des résultats plus fiables. Et sur le long terme, les recherches dans ce domaine rendront possible la fabrication de tissus ou d’organes humains pour des transplantations.
Le bioprinting est une technologie émergente avec un énorme potentiel dans le futur, mais non sans défis: deux d’entre eux sont abordés dans ses travaux de recherche. Le premier concerne la technologie d’impression pour une fabrication à large échelle: «Aucune des méthodes actuelles n’offre la résolution et la vitesse d’impression nécessaires à une production de tissus financièrement viable pour le criblage pharmaceutique», précise-t-elle. Une réponse pourrait résider dans la technologie d’impression jet d’encre industrielle multi-buses, potentiellement avec des milliers de buses travaillant en parallèle.
«Ici, le bioprinting fonctionne exactement comme une imprimante couleur de bureau». Une comparaison qui offre une compréhension aisée de la manière dont l’impression jet d’encre est appliquée à la fabrication de tissus biologiques: «Lorsqu’on imprime une image, les buses passent sur une feuille pour déposer de l’encre de différentes couleurs, recouvrant une page entière en un passage. Et lorsqu’on imprime des tissus, les buses déposent des biomatériaux et des cellules vivantes». En répétant l’impression plusieurs fois, il est possible de construire couche par couche des structures entières de tissus en 3D.
Le second grand défi du bioprinting abordé vise l’impression de modèles 3D de tissus avec vaisseaux sanguins intégrés. Une vascularisation est indispensable pour créer des tissus de plus grande taille, car des cellules qui ne sont pas irriguées ne peuvent pas survivre dans des structures de plus de 200 microns d’épaisseur.
«La prochaine étape est la collaboration avec des partenaires industriels, dans le but de développer des procédés spécifiques à leurs applications», ajoute Roseline Nussbaumer. «Les besoins de tissus imprimés en 3D sont croissants et la recherche que nous effectuons ne demande qu’à être mise en pratique».