Lorsqu’il entre à l’EPFZ, hésitant sur le choix des matières, il s’inscrit à la fois en électricité, en mécanique et en physique. «J’ai retenu cette dernière, dit-il. C’est une discipline globale, qui explore les causes fondamentales». Diplôme en poche, au début des années 1990, il revêt durant deux ans la blouse de chercheur au Département de physique de l’Université McGill, à Montréal, puis à celui de l’EPFZ, avant de se consacrer à une thèse de doctorat à l’EPFL sur la fabrication de lasers à filaments quantiques destinés aux télécommunications à haut débit. En 1999, il entre chez Swisscom en tant que chef de projets de recherche nationaux et internationaux. En parallèle, à partir de 2006, il enseigne la biomécanique à l’Institut fédéral de sport de Macolin et à l’Institut des sciences du sport et du mouvement à l’Université de Fribourg.

En 2008, les entreprises électriques de la Ville de Zürich, ewz, entreprennent de construire le premier réseau d’accès optique suisse avec un déploiement couvrant toute une ville. Jacques Robadey relève le défi et rejoint l’entreprise en tant que responsable de la stratégie. C’est lui qui définit le fonctionnement et planifie l’architecture du réseau, une mission fondamentale lorsque les investissements se chiffrent en centaines de millions de francs. Une fois les bases du réseau solidement posées, Jacques Robadey entend retrouver le monde de l’innovation et transmettre son savoir; la HEIA-FR lui en offre l’opportunité idéale. «Je crois en la mise en commun de compétences et d’expériences diversifiées, au bénéfice qu’il y a à travailler avec des personnes de tout âge et de différentes disciplines; c’est le très grand avantage de cette école, affirme-t-il.» En 2014, il est ainsi nommé professeur de la filière Informatique et systèmes de communication, avec des activités de recherche à l’institut Energy.

Parmi les différents projets qu’il poursuit, Jacques Robadey aime bien citer FRI-IoTnet, qui participe au développement des Smart Cities et vise à aider les agglomérations fribourgeoise et bulloise à gérer leur croissance démographique. Pour ce faire, un réseau de capteurs mesure le trafic routier, le bruit et la qualité de l’air et transmet les données toutes les quinze minutes. «Grâce à la technologie «LoRa» utilisée, les émissions d’un capteur sont 1000 fois plus faibles que celle d’un Smartphone, déclare Jacques Robadey. Cette technologie se situe aux antipodes de la 5G. Elle a aussi l’avantage de ne pas nécessiter de licence, ce qui permet à tout un chacun de construire son propre réseau». Le projet, qui livrera ses résultats en 2021, est exemplaire en termes de collaboration régionale, puisqu’il associe différents services communaux et cantonal, des fournisseurs d’électricité et plusieurs start-up de Fribourg et d’Yverdon.

Mais à une époque où l’enjeu environnemental numéro un est le réchauffement climatique, et donc la combustion d’énergies fossiles, il n’y a pas que les villes qui se doivent d’être intelligentes, mais aussi, et surtout, les bâtiments. Une grande part des logements privés et publics sont encore chauffés au mazout ou au gaz et l’énergie renouvelable n’est pas toujours utilisée de manière optimale. Même si les nouveaux bâtiments se rapprochent de la neutralité carbone, il n’est pas possible de remplacer ou de rénover la totalité du parc immobilier actuel d’un claquement de doigts, c’est un processus qui requiert des investissements gigantesques et s’étale sur des dizaines d’années. De plus, l’isolation ou le changement de système de chauffage sont souvent impossibles pour certains bâtiments inscrits au registre du patrimoine. La solution proposée par le projet Hot & Cold PCM, qui fait suite au projet de Parois intelligentes du programme Smart Living Lab, est de doter les bâtiments d’une batterie thermique, fonctionnant avec un «Phase Change Material (PCM)», en français un Matériau à changement de phase. L’eau, par exemple, change de phase à zéro degré, lorsqu’elle se transforme en glace, ou vice-versa. La chaleur apportée pour la faire fondre est libérée lorsqu’elle gèle. Le défi du projet est de répliquer ce processus avec un matériau qui change de phase à une température plus compatible avec le confort moderne, ce que certains types de paraffine font à 23 degrés. Avec un PCM d’une capacité thermique de 200 joules par gramme, l’échangeur air/PCM/eau développé par l’équipe du professeur Robadey permet de stocker 4,5 kilowattheures pour des dimensions de 1,5 m x 0,3 m x 0,5 m. En installant ces échangeurs dans les chambres, l’énergie solaire de la journée peut être stockée pour assurer une autonomie thermique de plusieurs jours au bâtiment, et ce de façon entièrement renouvelable. Cette solution ingénieuse pourrait ainsi résoudre un des problèmes les plus complexes de la question climatique, largement de quoi satisfaire l’âme d’ingénieur de Jacques Robadey. 

1 octobre 2020